Récit du Paris-Brest-Paris 2011 par Michel Mingant
Récit du Paris-Brest-Paris d’un copain de vélo, Michel Mingant, figure de l’épreuve avec ses 7 participations dont un record en tandem :
La préparation ; En 2007 j’avais effectué environ 15 000 kilomètres entre le 1er Janvier et le départ du Paris-Brest-Paris. Tout s’était parfaitement déroulé tant sur le plan physique que sportif avec un temps de 44h33 à Paris. Pour l’édition 2011, je pensais calquer mon entraînement sur la précédente mais le sort en a décidé autrement. En Mars, trois semaines avant le départ des brevets je suis renversé par un automobiliste dans un rond-point. Mon épaule droite est touchée et une douleur persistante me poursuivra dans les mois qui vont suivre. J’effectue tout de même mes brevets de 200, 300, 400 et 600 kilomètres en roulant seul la plupart du temps. Heureusement la météo est clémente contrairement à 2007. Mes sensations et les moyennes obtenues sur ces distances me rassurent sur ma forme. Nous ne sommes que fin Mai et trois mois nous séparent du départ du PBP. Contrairement à certains participants, je ne double pas les brevets afin de ne pas être saturé le jour J. Par contre une fois les brevets passés je programme une longue sortie environ toutes les trois semaines, afin de rester dans le rythme longue distance. Ayant le plus gros de ma préparation derrière moi, trois semaines avant le PBP je pars pour 600 kilomètres que je dois avaler en deux étapes de 300 kilomètres mais au bout de 20 kilomètres un chat surgit devant moi et me fait chuter lourdement. Bilan, une grosse entorse de l’épaule gauche et le moral dans les chaussettes. J’étais en vacances depuis deux jours et me voila avec le bras en écharpe. Malgré tout je pars camper en Normandie et amène mon vélo ainsi qu’un home-trainer au cas où. Après quelques séances de home-trainer que je trouve barbantes je peux enfin remonter sur le vélo et reprendre un entraînement normal. Un 300 kilomètres bouclera ma préparation huit jours avant le départ mais je revois mes objectifs à la baisse par rapport à 2007, boucler un 7ème PBP suffira à mon bonheur. Je passe voir le médecin sportif pour faire une échographie de contrôle de l’épaule. Il me donne le feu vert en me précisant que je risque d’avoir quelques douleurs vu la longueur du périple. L’ostéopathe me remet d’aplomb car dans la chute c’est tout le côté gauche qui a trinqué.
Le Paris-Brest-Paris ; Pour cette édition, mon assistance est composée de Claude Le Guen pour l’aller et de Bernard Gueguen, un ami non cycliste pour le retour. Ma femme Christine fera l’aller retour. Nous sommes hébergés chez ma belle-soeur à 5 kilomètres du départ ce qui est plutôt un avantage. Après une bonne nuit de sommeil, dès le matin la chaleur est déjà pesante ce qui ne me rassure pas beaucoup. La matinée passe rapidement à préparer le vélo et programmer les ravitaillements. Après un repas léger il est temps de rejoindre le départ car je veux me présenter sur la ligne deux heures et demie avant l’heure fatidique afin de partir avec le premier groupe cette fois ci. L’attente est longue car nous sommes parqués dans un stade en plein soleil. Heureusement j’ai prévu de prendre mes deux grands bidons d’un litre, cinq minutes avant le départ car en plein soleil la température monte à 39°C. Claude me fait de l’ombre avec un parapluie et je m’arrose la tête avec de l’eau fraîche pour éviter le coup de chaleur.
Le départ est enfin donné avec douze minutes de retard car une voiture gênait sur le parcours. Les premiers kilomètres sont avalés à une allure très vive et il faut être extrêmement vigilant car les rétrécissements de chaussée sont nombreux. Après une heure très rapide l’allure mollit un peu, ce qui m’arrange car j’ai du mal à supporter la chaleur. Les 140 kilomètres qui nous séparent du ravitaillement à Mortagne au perche sont effectués à une allure moyenne car le vent latéral est plutôt défavorable.
A Mortagne une foule impressionnante attend les cyclos pour le passage des bidons. Je repère Claude grâce au maillot de Gouesnou et le transfert des bidons se fait en quelques secondes. Je repars rapidement car nous sommes encore un peloton de deux cents et il faut chasser trois bonnes minutes pour revenir sur la tête. Dans la descente de Mortagne un italien me double à 70 km/h et manque de me faire tomber dans un giratoire.
Nous arrivons au premier contrôle de Villaines La Juhel vers 23 heures et comme tous les quatre ans c’est la course pour faire tamponner sa carte de route. Mon assistance a juste le temps de me remplir les poches de quelques barres et gels énergétiques, il faut à nouveau chasser pour réintégrer le groupe de tête.
Malgré la nuit, la température reste très élevée et je suis obligé de m’arroser la tête de temps en temps jusqu’à l’arrivée à Fougères à 2 heures du matin. Enfin nous perdons quelques degrés et je me rapproche de la tête afin de faire ma part de boulot. Christophe Bocquet a souvent mené et j’avais un peu de scrupules à rester dans les roues.
En deux heures nous atteignons Tinténiac, c’est l’étape la plus courte du parcours et sans doute la moins vallonnée. Les arrivées au contrôle sont très dangereuses car certains cyclos sprintent trois kilomètres avant le pointage ce qui provoque de nombreuses chutes.
Le jour s’est levé quand nous arrivons à Loudéac et le peloton a bien maigri. Je préviens les cyclos que l’étape suivante est l’une des plus dures du parcours et qu’il est inutile d’accélérer avant le contrôle. Peine perdue, quelques irréductibles qui souvent ne sont pas les plus courageux, remettent le couvert. Les 400 kilomètres parcourus depuis Paris commencent à peser dans les jambes et les cyclistes les moins aguerris sont irrémédiablement lâchés dans les longues bosses. La pluie ayant fait son apparition la température chute d’un coup usant un peu plus les organismes.
Au contrôle de Carhaix le peloton compte encore une cinquantaine d’unités. Avec l’apparition de la pluie et les encouragements de quelques amis cyclos, je me sens de mieux en mieux et cédant à l’euphorie j’ai tendance à mener le groupe un peu vite dans le Roc Tredudon et les quelques côtes qui parsèment le circuit jusqu’à Brest. La traversée du pont de Plougastel et sa vue sur la rade de Brest est un moment d’émotion pour la plupart des participants.
L’accueil à Brest est particulièrement chaleureux. Beaucoup d’amis cyclistes se sont déplacés pour venir nous encourager. D’un commun accord, nous avons décidé de faire une pause de dix minutes, j’en profite pour me restaurer correctement en savourant quelques pâtes et en buvant une bonne soupe. Ma roue arrière qui faisait un bruit de casserole est changée par Jean-Marc Mevel tandis que je réponds à quelques questions de Gurvan Musset pour FR3 Bretagne.
Nous reprenons notre route sachant que le plus dur est à venir d’autant qu’un vent violent nous ralentit jusqu’à Carhaix. Cette étape me laisse de drôles de sensations avec des hauts et des bas. D’une quarantaine de cyclos, nous ne sommes plus qu’une vingtaine à repartir de Carhaix vers 16 heures.
La grosse bagarre va être déclenchée entre Carhaix et Loudéac, terrain propice aux attaques. Un concurrent inscrit sous un pseudonyme met le feu au poudre et fait exploser le peloton ou du moins ce qu’il en reste en deux groupes de dix. Il roule si fort que personne ne peut le relayer.
Nous arrivons à Loudéac avec un quart d’heure d’avance sur nos poursuivants. M’apercevant que mes potes de l’édition 2007 se sont fait piéger, je suis dans l’expectative. J’hésite entre continuer avec ce groupe ou attendre Christophe Bocquet et Marc Védrinelle. Avant l’arrivée à Tinténiac, nous sommes pris dans un orage terrible. Par endroit, la route est inondée et nos éclairages ont du mal à nous diriger correctement. Le froid est saisissant car pour la plupart d’entre nous sommes en maillot manche courte.
Trempés, nous décidons d’une pause de dix minutes afin de nous changer intégralement à Tinténiac qui est atteint vers 22 heures. Christine me dit d’attendre l’autre groupe mais mon tempérament me fait continuer avec le groupe de tête. Il nous faut déjà attaquer la deuxième nuit. Elle est décisive, car le sommeil nous guette à chaque instant. En nous dirigeant vers Fougères, du côté de Sens de Bretagne nous nous égarons, Gilles Mallard qui est un peu le régional de l’étape s’en rend compte mais trop tard, en effet pour retrouver le circuit initial il nous faut parcourir 20 kilomètres de plus. Le moral du groupe est au plus bas. Un peu plus loin nous sommes déviés du circuit par l’organisation. Nous apprenons que le Paris-Brest-Paris vient d’être endeuillé : un américain qui venait sur Brest s’est fait faucher par un camion.
En arrivant, on nous annonce quenous avons quarante cinq minutes de retard sur le groupe que nous précédions. Il est une heure quinze, c’est reparti direction Villaines. Heureusement la pluie s’est enfin calmée. Nous continuons notre progression tant bien que mal luttant tous contre le sommeil. L’avantage, la nuit, c’est qu’on ne se rend pas compte du relief car nous approchons des Alpes Mancelles.
Cinq heures du matin et nous arrivons enfin à Villaines. La bataille contre le sommeil est presque gagnée. On m’apprend que le cyclo inscrit sous un pseudo a abandonné à Fougères. J’ai du mal à comprendre le but de sa manoeuvre et l’intérêt de ce comportement suicidaire. A la sortie de Villaines, la route devient vraiment monotone avec de longues lignes droites et des bosses qui n’en finissent pas, surtout du côté de Mamers. Le groupe s’organise tant bien que mal, mais pour certains le coeur n’y est plus.
Le jour est bien levé lorsque nous arrivons à Mortagne au Perche. Une bosse de trois kilomètres précède le contrôle avec un passage à quinze pour cent dans la dernière rampe. La suite est du même tonneau avec des séries de côtes d’environ trois kilomètres sur de jolies routes verdoyantes. Nous ne sommes plus que six dans notre groupe et je donne le tempo dès que cela grimpe. Nous avons fait le plus dur car la deuxième partie de l’étape pour rejoindre Dreux est moins vallonnée.
Nous nous accordons cinq minutes d’arrêt pour ce dernier contrôle. Après un rapide calcul, je constate que notre groupe peut viser un temps dans les quarante cinq heures, si les six veulent bien participer à l’effort collectif. La dernière ligne droite n’est plus qu’une formalité hormis la côte de Gambaiseul et nous arrivons au rond point des Saules à St Quentin fatigués mais heureux de boucler ce Paris-Brest-Paris. Une fois les cartes tamponnées, nous nous congratulons et prenons la pause pour une photo souvenir. J’aperçois Christophe, Jean-Marc et Tony que je félicite pour leur performance, ils le méritent largement vu leur état d’esprit.
Quelques réflexions sur cette édition 2011. J’aurais signé des deux mains si l’on m’avait annoncé un temps de 45 heures et 29 minutes à Paris vu ma condition physique qui était loin d’être optimale. Avec un kilométrage de 1275 kilomètres au lieu de 1230, ma moyenne générale est même plus élevée qu’en 2007.
Au niveau de l’ambiance le parcours aller a été très stressant étant donné le comportement de certains participants (une minorité) qui prenaient des risques insensés pour pointer en premier. Par contre, au retour je me suis régalé car une fois les groupes formés, il y avait plus d’entraide et de solidarité entre les participants. Nous étions dans l’esprit de la randonnée.
Les conditions climatiques de cette édition ont été particulières, nous sommes passés par toutes les saisons, de la canicule du départ à la pluie froide du centre Bretagne sans oublier un gros orage au retour.
L’organisation et les contrôles : A Paris, le contrôle des vélos et la remise des documents se sont parfaitement déroulés. Il n’y a pas eu d’attente et nous étions très bien dirigés par les bénévoles de l’organisation. Pour les contrôles intermédiaires cela n’a pas été simple à l’aller vu le stress général (participants et assistances), après l’écrémage le retour s’est déroulé dans la bonne humeur. J’aurai voulu remercier tous les bénévoles sans qui l’organisation du PBP ne pourrait se faire.
Mon assistance : Christine était bien rodée, elle en était à sa cinquième participation et comme d’habitude tout s’est bien déroulé et notamment grâce à Claude et Bernard qui ont parfaitement assuré leur rôle. Encore un grand merci à eux pour le réconfort qu’ils m’ont apporté aux différents contrôles.
Pour conclure, je tiens à remercier tous les gens qui se sont déplacés pour nous encourager sur le parcours, cela nous a mis du baume au coeur pour venir à bout de cet Everest du cyclotourisme qu’est le Paris-Brest-Paris.
Michel Mingant
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